Tout savoir sur la production de foie gras
L’élevage du foie gras est apparu il y a des millénaires, lorsque les hommes ont découvert que les canards et les oies qui s’étaient gavés de maïs et d’autres cultures, prêts pour la migration d’automne, avaient un foie volumineux, gras et nutritif. Aujourd’hui, environ 20 000 tonnes de foie gras sont produites chaque année dans le monde. Les Français en produisent 70 % et représentent 85 % de la consommation mondiale – un Français moyen mange du foie gras au moins dix fois par an.
La production de foie gras est une question controversée. Ceux qui s’y adonnent par culpabilité ont entendu dire que c’est un mal et s’efforcent de ne pas découvrir pourquoi au cas où cela leur couperait l’appétit. D’autres ont entendu dire que c’était un mal, alors ils évitent le produit et reprochent à ceux qui en mangent. Je me suis laissée aller à la culpabilité, et j’ai voulu savoir pourquoi on me faisait sentir mal, et ce que signifiait ce « gavage » dont j’avais entendu parler. Après avoir vu les oies et les canards à foie gras élevés en plein air s’amuser dans les fermes locales, j’ai pensé que les certaines personnes dans leur ignorance, avaient peut-être exagéré les choses.
A la rencontre d’un élevage de canards
J’ai passé plusieurs jours avec Isabelle, dans son élevage de canards dans les Landes – l’une des régions qui prétend être LA région productrice de foie gras en France. J’ai observé Isabelle travailler et nous avons discuté de ses méthodes de production de foie gras. Elle a créé son entreprise, dans la ferme familiale, il y a 18 ans, à l’âge de 22 ans, après avoir appris son métier auprès de ses deux grands-mères et avoir suivi des cours dans un lycée agricole. Ce n’est pas une vie confortable, et tous les matins commencent à 5 heures. Sauf le dimanche, où Isabelle aime aller à la chasse. Alors elle se lève à 4h30 pour tout faire ! A 20h, tous les travaux sont terminés, et le repas du soir est en train d’être préparé pour son mari et ses deux filles.
Les canards, quant à eux, sont en liberté totale pendant la majeure partie de leur vie de 4 mois. Pendant les 15 derniers jours, ils sont amenés dans la grange en pierre pour leur « gavage », qui est le processus d’engraissement des créatures, et comprend le fameux gavage. Avant le gavage, les canards d’Isabelle sont nourris de céréales et de divers légumes verts (qu’elle cultive elle-même), sans supplément chimique, hormonal ou stéroïdien, à l’exception de quelques vermifuges et de vitamines pour leur donner un coup de pouce en cas de changement soudain de temps. Après avoir été amenés dans l’étable, leur alimentation passe au maïs, qu’Isabelle fait tremper puis bouillir pour faire gonfler et ramollir les grains.
Les canards à la ferme
La vie de ces canards est évidemment très différente de celle des canards des fermes industrielles, qui sont engraissés dès qu’ils sont assez grands, et dont les carcasses sont vendues aux usines de production de foie gras et de viande. Isabelle explique que l’on voit souvent des affiches de foie gras et de conserves, fabriqués à la ferme, mais que ces fermes achètent souvent les canards, vivants ou morts. Elle a la particularité de suivre elle-même tout le processus, des canetons d’un jour à la vente de ses produits. Bien qu’elle soit très demandée par des clients de toute la France et de toute l’Europe, Isabelle préfère refuser des commandes plutôt que de développer son entreprise et de changer sa dynamique intime. Ses produits bénéficient du fait qu’elle a consacré beaucoup de temps à s’occuper de ses canards, et elle traite donc leur viande et leurs abats avec respect et attention, souhaitant qu’ils deviennent les meilleurs produits possibles.
Le gavage de canards
Venons-en maintenant au gavage. Les canards, qui vivent désormais dans des enclos recouverts de paille, sont nourris individuellement, deux fois par jour. Un entonnoir motorisé fait jaillir du maïs dans un tuyau, qui est soigneusement et savamment inséré dans la gorge du canard. Isabelle tient le bec du canard d’une main et frotte doucement son ventre de l’autre. Cela prend environ 5 secondes pour chaque oiseau. Isabelle a le sentiment de connaître et de comprendre ses canards, et elle est certaine que le tuyau ne cause aucune douleur aux oiseaux ; elle les sentirait grimacer, pour commencer. Bien qu’inconfortable, la machine n’enfonce pas le grain dans la gorge du canard, ce qui serait beaucoup plus brutal. Les oiseaux ne sont pas non plus extrêmement gros. Ils peuvent se promener joyeusement, avec tout le confort (espace, compagnie, eau, paille propre), jusqu’au jour de leur mort (électrocution).
Comme par hasard, c’est le mari d’Isabelle, Jean-Luc, qui s’occupe du gavage de la moitié des volailles et utilise une méthode industrielle de type batterie, ce qu’Isabelle désapprouve. (Fait inhabituel pour une agricultrice française, elle remet parfois en question le concept même de la consommation d’animaux – généralement le jour de l’abattage !) Mais elle a besoin de l’aide de son mari, qui refuse de consacrer du temps supplémentaire à sa méthode traditionnelle (il est également payé pour s’occuper d’un troupeau de veaux, et il a des cochons, des moutons, des poulets…). Cette pratique en batterie devrait devenir illégale en 2010, mais pour l’instant c’est ainsi que sont produits la plupart des foies gras. Je suis presque certain que tout foie gras acheté dans un supermarché le serait aussi. Quoi qu’il en soit, j’ai pu voir ce style d’élevage, où les canards sont chacun dans une minuscule cage, et y sont maintenus pendant les deux semaines de gavage. Un spectacle plutôt déchirant ! Ils se blessent les ailes en essayant de bouger, mais au moins ces pauvres oiseaux ont eu une vie sans stress, alors que leurs misérables cousins d’usine n’auront pas eu le luxe d’une éducation en liberté.
La production de foie gras frais
Une fois le gavage et l’abattage terminés, toutes les parties comestibles des oiseaux d’Isabelle sont utilisées : Le foie, bien sûr, pour les différentes formes de foie gras ; les magrets sont vendus frais, séchés ou séchés autour du foie gras, qui est super délicieux ; les abats sont confits (cuits et conservés dans la graisse du canard) ; les cuisses et les ailes sont confites, elles entrent en partie dans les boîtes de cassoulet, qui contiennent également des saucisses de canard et de porc faites maison ; les cous sont farcis de viande de porc et de foie gras, et sont considérés comme un délice à part entière ; les carcasses sont vendues pour la soupe et le bouillon ; les restes sont transformés en « rillettes ». Il faut compter au maximum 3 heures entre l’abattage et la fabrication du foie gras entier d’Isabelle. Seule la tête, la proue et le reste des tripes sont jetés. Tous les produits sont soit envoyés par la poste à des clients lointains, soit vendus au magasin de la ferme et au marché local.
Voilà, c’est fait. Vous pouvez décider, après avoir lu ces lignes, de ne pas acheter de foie gras ou de ne l’acheter qu’auprès d’une source dont vous savez qu’elle traite bien ses oiseaux. Vous pouvez, au contraire, vous sentir heureux de continuer à soutenir les produits industriels moins chers. Quoi qu’il en soit, il est bon de rappeler que si vous achetez de la viande de supermarché, ou des produits contenant de la viande, qui ne portent pas la mention « biologique » ou « élevée en plein air/en liberté », vous mangez de la viande d’élevage industriel. Les animaux qui ont fourni cette viande auront eu une vie bien plus cruelle que les canards à foie gras d’Isabelle.